Le 5 Septembre 2021, le pouvoir en République de Guinée a été renversé par un groupe de militaires dénommé, Comité National pour le Rassemblement et le Développement (CNRD), sous la présidence du Colonel Mamady Doumbouya. Si cette prise de pouvoir est condamné par l’opinion publiques, elle est pourtant consécutive d’un certain de nombre de frustrations à la fois sociale, économique et politique.
Il faut dire qu’en 63 ans d’indépendance, c’est la troisième fois que la Guinée enregistre le coup d’Etat, après ceux de 1984 avec le Comité militaire de redressement national (CMRN), sous la conduite de feu Lansana Conté et en 2008 avec les Conseil nation pour la démocratie et le développement (CNDD), présidé par Moussa Dadis Camara. Ces différentes prises de pouvoirs par la force ne sont pourtant pas des faits de coup de tête. Elles sont souvent consécutives d’un certain nombre de malaise et de désaccords ouvertement exprimés par le peuple contre ceux qui les dirigent.
Mais pourquoi la Guinée continue encore de subir cet éternel recommencement en dépit de l’immensité de ses ressources naturelles ?
Pour la petite histoire, en 2010, la Guinée a connu des élections démocratiques au sortir d’une période de transition de deux ans menée par le CNDD. Ces élections devaient apporter une nouvelle ère à la vie sociopolitique et économique du pays. Mais après dix ans, le pays peine à faire face à ces multiples difficultés.
L’instrumentalisation, la politisation, l’ethnicisassions, la prolifération des partis politiques, la gabegie, la corruption sont loin d’atteindre leur épilogue. Une scission entre les acteurs de la vie sociale s’est installée de façon abyssale créant des frustrations grandissantes et des revendications incessantes.
Les manifestations populaires qui ont accompagné ce coup de force en disent long sur les états d’âme des populations qui, depuis plusieurs années, étaient au bord du précipice. Toutefois, cette adhésion populaire massive doit être prise avec beaucoup de pincettes dans la mesure où les mêmes scénarios se sont produits antérieurement avant de terminer en désolation.
Le coup d’Etat sous l’angle juridico-institutionnel
Un coup d’Etat quel qu’il soit, remet l’ordre constitutionnel en cause et est contraire aux normes nationales et internationales. Notre pays, ayant subi plusieurs fois de suite des coups d’Etat commence à en être une zone propice pour perpétrer de tels actes.
Cependant la prolifération de ces actes anticonstitutionnels est justement favorisée par la faiblesse de l’ordre juridique ou son inapplicabilité, mais surtout la démission et le désengagement des institutions qui sont devenues des instances rebelles contre le peuple à la solde duquel elles sont pourtant instituées pour servir.
Ainsi, ce coup d’Etat, bien que condamnés par respect de principe par la communauté internationale, suscite en tout état de cause, un certain espoir de renouveau dans l’ordonnancement juridico judiciaire et institutionnel du pays. Mettre un nouveau cadre juridique et un système judiciaire efficace seraient la voie royale à suivre que cette situation exceptionnelle offre à la Guinée.
Plusieurs réformes institutionnelles ont souffert de leur non application. La défaillance des institutions doit inlassablement être remédiée pour doter le pays d’institutions fortes, capables de consolider l’Etat de droit et la démocratie dans la République.
La période qu’ouvre ce coup d’Etat est cruciale pour la jeune République de Guinée. Cette période doit poser les bases pour la relance de tous les secteurs, notamment sur le plan juridico institutionnel. Car un Etat fort est bâti sur des institutions fortes.
Le succès de la période de transition amorcée par ce coup de force est également dépendant de la mise en place de ce cadre juridico institutionnel fort, pérenne, justifié, opportun, réaliste et adapté aux problèmes et réalités de la République et du peuple.
La transition au-delà du simple populisme…
Au regard cet évènements et des actes posés depuis le soir du 5 septembre par le CNRD, les populations s’émeuvent et manifestent leur enthousiasme dans toutes les régions du pays.
Cependant une transition va au-delà du populisme ou de la propagande. Elle nécessite des actions et reforme au début impopulaire, mais très bénéfique pour la consolidation de la démocratique et de l’Etat de droit. Ce qui inclut inexorablement la refonte du tissu social et la moralisation de l’administration publique.
Cette refondation passe nécessairement par le recollage du tissu social au prix d’une éducation efficace de toutes les composantes de la société.
Depuis sa prise du pouvoir, le CNRD a amorcé une série de consultations et de concertations avec l’ensemble des composantes de la vie publique du pays. Mais, certes cette initiative parait salutaire, mais sonne d’un autre côté comme une espèce de populisme qui risque de produire des effets inattendus.
Toutes les composantes sont nécessairement importantes pour une transition réussie. Mais elles ont besoin d’éducation pour se débarrasser de toutes les tares qui ont toujours mené ce pays au chaos.
Le travail effectué pour refonder le tissu social aura pour première conséquence une administration dépourvue de toute situation de clanisme, de tribalisme, d’ethnocentrisme qui sera une énorme avancée dans la prise en compte des priorités nationales passe obligatoirement par l’éducation des agents administratifs.
Cette transition doit aboutir à épurer cette administration de toutes ses tares, ses difficultés, son manque d’intégrité et de responsabilité. Comme tout acte, il faut tirer des leçons des anciennes transitions et des différentes années pour bâtir un véritable socle pour non seulement un rassemblement mais surtout un développement durable dans lesquels le pays trouvera son épanouissement, sa grandeur, son intégrité, son africanité et son sens de responsabilité pilotés par une population réconciliée avec elle-même et une administration répondant aux besoins et exigences de celle-ci et de la République. C’est à ce seul prix que cette transition sera aboutie.
Seydouba Doss Sylla
Juriste