Certains se sont étonnés que ce soit la France qui annonce « la fin du franc CFA », qui est supposé être « une monnaie africaine » ! Mais pour ceux qui connaissent l’histoire du franc CFA, cela n’a rien d’étonnant. Au contraire, l’annonce du gouvernement français ne fait que confirmer ce que des critiques n’ont cessé de dire : que le franc CFA c’est bien la monnaie de la France et non celle des pays africains.
Joseph Tchundjang Pouémi a dû bien rire du fond de sa tombe, lui qui était le premier à affirmer il y a bientôt 40 ans: « la France est le seul pays au monde à avoir réussi l’extraordinaire exploit de faire circuler sa monnaie- rien que sa monnaie- dans des pays politiquement libres ». L’histoire lui a amplement donné raison ! En vérité, la décision du 20 mai 2020 par le gouvernement français s’inscrit dans la longue liste des réaménagements pris par la France sur le franc CFA pour mieux renforcer sa domination sur ses anciennes colonies.
Rappelons que c’est le 26 décembre 1945, il y a bientôt 75 ans, que le général de Gaulle décida de créer le franc des colonies françaises d’Afrique (CFA) pour réaffirmer le contrôle de son pays sur ses colonies, à la fin de la deuxième guerre mondiale. Depuis lors, il y a eu plusieurs réaménagements sans pour autant atténuer la tutelle de la France sur ses colonies. Il y eut le transfert du siège de la BCEAO en Afrique (au Sénégal) et la nomination d’un gouverneur africain. Il y eut des accords sur le montant des réserves déposé au Trésor français, passant de 100% à 65 et enfin à 50%.
En dépit de ces changements, la France a toujours conservé sa souveraineté sur le franc CFA. Cela est illustré par sa décision unilatérale de dévaluer le franc CFA en janvier 1994. Et pour montrer le peu de respect qu’elle avait pour les « présidents » africains, elle envoya, son ministre de la Coopération – en fait le ministre des anciennes colonies- pour informer 14 « chefs d’Etat » et de gouvernement enfermés dans un grand hôtel à Dakar, au Sénégal ! L’annonce du 20 mai 2020 prouve une fois de plus que le sort du franc CFA se décide en France et non en Afrique.
Demba Moussa Dembélé, Economiste