Pendant les premières heures de son indépendance, la République de Guinée a été longtemps reconnue pour sa rigueur et son respect des normes nationales. Pilotée pendant plusieurs années par une révolution, elle obéissait à une organisation qui a été un modèle d’inspiration pour bon nombre de pays en Afrique et de par le monde.
De nos jours, plus les gouvernements se succèdent, plus le pays perd ses anciennes pratiques de rigueur en termes de respect des lois et de la hiérarchie des normes administratives.
Pourtant, une République respectueuse se reconnaît par le respect de la hiérarchisation des normes juridiques qui se tiennent les unes les autres tout en se complétant. Car, la hiérarchisation des normes est le socle de la réglementation dans un pouvoir exécutif. Elle lui permet de prendre des actes administratifs pour réglementer les différents domaines et secteurs de l’administration.
Ainsi chaque norme se rapporte à une qualité de personnalité du pouvoir exécutif. Le pouvoir de décréter est ainsi réservé à la seule personne du Président de la République, sauf dispositions contraires auxquelles il est accordé également un pouvoir de légiférer dans certaines périodes exceptionnelles.
Le pouvoir de prendre des arrêtés est principalement conféré aux différents ministres. Toutefois, d’autres commis de l’État, de rang généralement inférieur à celui du ministre, jouissent également de ce pouvoir. Il est parfois conféré à titre exceptionnel (Intérim ou par délégation de pouvoir) à des personnalités mandatées à cet effet qui peuvent s’en prévaloir.
En conséquence, cette hiérarchie des normes obéit également à la hiérarchie des fonctions en ce sens que les décrets priment sur les arrêtés ministériels qui priment également sur les autres actes administratifs pris par d’autres autorités de rang inférieur.
Le respect des règles édictées est un principe sacro saint
Nonobstant cette clarté des règles de droit, depuis plusieurs années, une certaine anarchie qui ne dit pas son nom dans le respect de ces normes fait son chemin au nez et à la barbe de chacun. Le droit étant un ensemble de règles régissant la vie en société et édictées pour favoriser le vivre ensemble se doit d’être mis en œuvre avec toute sa rigueur.
Ce constat est d’autant plus frappant qu’il s’est illustré récemment par le décret D/2002/0526/PRG/CNRD/SGG en date du 02 novembre dernier, instituant les fêtes légales en République de Guinée, modifiant de facto, le décret D/250/PRG/SGG du 1er août 1995 a été en partie rapporté.
En effet, au regard des dispositions de ce décret, son article 1er étale la liste des jours fériés sur toute l’étendue du territoire national au nombre de 12 exactement. Quant à son article 2, dont le contenu sera prépondérant dans l’analyse de ce manque de rigueur dans le respect des normes juridiques, stipule que «si la fête anniversaire de l’indépendance, le nouvel an, l’Aïd El Fitr coïncident à un jour non ouvrable, le prochain jour ouvrable est déclaré férié, chômé et payé dans les secteurs publics, privés et mixtes sur toute l’étendue du territoire national.»
Ainsi, cet article exclut de facto les 9 autres jours de fêtes dont les lendemains ne pourront être déclarés fériés, chômés et payés même si ils coïncident à un jour non ouvrable. Considérant donc que cette norme est instaurée par un décret, seul celui-ci est apte à en modifier les termes.
Cependant, le 24 décembre dernier, face à une incompréhension populaire et suivant les moultes interrogations qui animent les débats dans la cité, le ministre en charge du travail et de la fonction publique s’est fendu d’un communiqué hâtif et inopportun, en déclarant le lundi 26 décembre 2022, lendemain de la fête de Noël, comme jour férié, chômé et payé modifiant en substance le décret du 2 novembre 2022 en son article 2.
Par conséquent, ce communiqué, une grave violation des normes juridiques a été visiblement posée par ce ministre qui semble entretenir de l’anarchie en foulant au sol, les prises de décisions et la valeur des actes administratifs. Car le non-respect des normes d’hiérarchie concours à l’instauration d’un dysfonctionnement manifeste de l’administration contre lequel tous les acteurs publics doivent remédier. Et le moins que l’on puisse écrire est que par cet acte, le ministre prend une décision qui ne peut produire des effets de droits, car étant nul et de nul effet.
Il serait donc d’ailleurs nécessaire que les services juridiques de nos départements centraux prennent en compte les aspects de violations des procédures administratives et de conformité des actes administratifs pour éviter une certaine cacophonie dans la communication gouvernementale.
Au regard des dispositions du décret du 02 novembre 2022, la journée du 26 décembre ne pouvait être considérée comme jour férié et le communiqué du ministre vient encore une fois agrandir ce terrain de manquement dans le respect de la hiérarchie des normes juridiques dans notre pays. Et, fort malheureusement, cette pratique a tendance à s’éterniser et à passer sous silence.
Un acte administratif illégal et illégitime s’expose à une attaque devant le juge administratif pour son annulation. Il s’avère désormais primordial de veiller au respect strict des procédures administratives avant de prendre des actes qui obéissent à des règles édictées en la matière pour une meilleure communication administrative.
Soyons donc vigilants et conséquents pour le bon fonctionnement de nos administrations.