La Guinée est l’un des rares pays qui, en l’absence de guerres ouvertes ou de conflits permanents , accumule depuis plus d’un demi siècle un niveau extrêmement élevé de frustrations de répressions criminelles, d’exclusion et d’iniquité d’accès aux ressources et au pouvoir, de clientélisme, de communautarisme etc.
Toutes ces frustrations sociales accumulées par chaque groupe, au lieu d’être liquidées par les régimes successifs ont progressivement été refoulées dans le subconscient collectif de chaque composante sociale pour alimenter des tensions sociales redoutables qui n’attendent que la moindre occasion pour éclater sous forme de conflits violents pour quoi pas de guerres ouvertes.
De ce point de vue, les guinéens vivent depuis très long temps dans une forme de tensions sociales élevée et par ricochet, dans un contexte de risque perpétuel qui ne favorise ni la cohésion sociale encore moins la solidarité agissante de toutes les communautés du pays pour libérer les dynamiques de développement qui continuent à s’immobiliser.
Est il nécessaire de rappeler aux guinéens et aux autorités actuelles qui ont programmé Les assises nationales de vérité et de pardon que les causes profondes de ces frustrations et tensions sociales restent encore aujourd’hui mal explorées, très mal ou pas étudiées et analysées pour les extirper durablement ou définitivement du subconscient individuel et collectif des guinéens?
Comment envisager comprendre les causes, la nature, les manifestations, les signes cachés, les remèdes internes et externes de tous ces faits et phénomènes sociaux notamment: les frustrations sociales, les tensions sociales, le risque dans lequel le pays vit perpétuellement, la cohésion sociale, la solidarité agissante qui sont des questions éminemment sociologiques sans la touche du sociologue?
Après vérification de plus de 10 cas de commissions nationales, en Afrique du Sud, au Sénégal, au Rwanda etc, aucune démarche de réconciliation en Afrique et dans le monde n’a pu être envisagée avec une commission nationale sans aucun sociologue sauf en Guinée, le pays des exceptions qui entreprends tout à l’envers en voulant avoir des résultats durables.
En l’absence de sociologues dans cette commission, comment iront-ils en profondeur pour induire à la démarche les effets et acquis de la parfaite connaissance des faits et phénomènes sociologiques et ethnologiques susceptibles de liquider toutes cette énorme frustration et tensions sociales en Guinée en mettant en exergue aussi bien le choc sociologique qui a trait aux espaces socioculturels de mobilisation politique mais aussi le syncrétisme socio politique issu des civilisations traditionnelles africaines auxquelles se rapportent les principales communautés guinéennes, le choc de la vérité historique et de la communautarisation des crimes d’État de l’indépendance à nos jours et même les autres sources existentielles de tensions sociales cachées?
Par exemple, savons-nous qu’une des sources de tensions en Guinée concerne les iniquités des accès au pouvoir et des avantages induits?
Comment faire éclater ces sources de tensions cachées pour les liquider au cours de ces assises sans sociologue?
En dépit de tout ce qui précède, le fastidieux travail du sociologue dans cette commission nationale des assises devrait consister à appréhender la nature, la sources, le mode de manifestation et les causes croisées de tous ces phénomènes sociologiques qui entretiennent les tensions sociales en Guinée pour leur trouver non pas des explications génériques comme toujours mais des solutions androgènes et innovatrices qui partent de l’INDICATIF au NORMATIF.
Que ALLAH sauve la Guinée.
Une réflexion de Aimé Stéphane MANSARE
SOCIOLOGUE
Expert consultant en Sciences sociales du Developpement