Il est important de repenser la politique monétaire de la Guinée pour faire d’elle un véritable instrument de régulation de la masse monétaire, et aussi un moyen de financement du déficit budgétaire et de la dette publique. Cette réforme est tout à fait possible en observant de près le rôle de la Banque centrale européenne (BCE).
Certes, les réalités économiques de l’Union européennes (UE) sont différentes de celles de la Guinée, ce qui interdirait ici de faire des raisonnements par juxtaposition.
Toutefois, s’inspirer de ce qui se fait de mieux ailleurs est toujours édifiant.
Dans la zone de l’UE, il existe un mécanisme d’assouplissement des chocs financiers qui constitue un véritable ouf de soulagement pour les budgets qui souffrent de déficits importants. Il s’agit de « quantitative easing » (QE).
Le mécanisme permet à la BCE de financer les déficits des budgets des pays membres et d’injecter de la liquidité dans le marché financier grâce au rachat des bons du trésor et des obligations émises auprès des banques commerciales.
Ce mécanisme présente l’avantage pour les Etats d’obtenir à titre gratuit le financement de leurs déficits (les Etats n’étant pas contraints à des remboursements). Cependant, il reste très controversé dans la mesure où il s’applique sur plusieurs budgets qui ne présentent pas les mêmes besoins de financements.
S’agissant de la Guinée, le pays n’appartient pas, pour le moment, à une zone monétaire mais possède une Banque centrale et une monnaie nationale. Le caractère national de sa monnaie pose un certain nombre de difficultés liées à l’endettement.
Ces difficultés peuvent être nombreuses, mais les plus importantes sont, entre autres, la monnaie nationale qui ne fait pas partie de la réserve internationale, l’endettement du pays dans une devise étrangère, le taux de change est souvent fixe, et la monnaie n’est pas convertible. Cette situation s’explique ainsi par la survenance des dépréciations de la monnaie et la poussée de l’inflation.
D’où une certaine dépendance à la dette qui se présente comme un cercle vicieux. Face à cette situation, deux solutions peuvent être envisagées en temps de crise comme celle que nous vivons avec la COVID-19. Il s’agit de la création monétaire et la baisse du taux de la réserve obligatoire.
La création monétaire :
Les professeurs d’universités ont rendu diabolique l’expression « création monétaire » en faisant réciter cette litanie à tous les étudiants en économie « la création monétaire est dangereuse, elle entraine un surplus de la masse monétaire en circulation et favorise l’inflation ».
Si l’expression n’est pas fausse en théorie, elle mérite cependant d’être nuancée.
Le Chef économiste de l’Agence française de développement (AFD), Gael Giraud a, au cours d’une conférence à Conakry, affirmé que les Banques centrales des pays, notamment celles des pays en voie de développement, peuvent parfaitement procéder à la création monétaire à condition que la masse monétaire soit destinée à financer des investissements à long terme.
En revanche, il condamne fermement l’utilisation de cette pratique aux fins de financement des dépenses de fonctionnement ou d’activités ne générant pas de biens et de services.
Toute création monétaire qui peut être compensée par un flux de biens et de services est conseillée et ne saurait conduire à l’inflation. D’où l’expertise qui doit y accompagner pour la proportionnalité entre la masse monétaire et sa contrepartie.
Ainsi, la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) peut être mise à contribution pour créer suffisamment, non abondamment, la monnaie en vue de financer les projets d’investissements en cours. Cela permettrait d’éviter de recourir à des emprunts coûteux.
La baisse du taux de la réserve obligatoire
Pour stimuler l’investissement et rendre dynamiques les banques, il est souhaitable que la Banque centrale baisse son taux de la réserve obligatoire. Ce mécanisme va permettre aux banques commerciales d’avoir plus de liquidités pour faire face aux demandes de financement des Petites et Moyennes Entreprises (PME).
Il convient toutefois de noter que ces mesures sont conjoncturelles. Elles sont efficaces en temps de crise. Des mesures structurelles pérennes doivent être prises pour une meilleure mobilisation des ressources internes et leur sécurisation.
Des mesures structurelles pérennes pour une meilleure mobilisation des ressources internes et leur sécurisation
Le célèbre constitutionnaliste français Jean Monnet disait « Sans les hommes, rien n’est possible, sans les institutions, rien n’est durable ». La mobilisation des ressources exige un préalable fondamental, celui de repenser la gestion des femmes et des hommes en charge de cette mobilisation.
Une démarche consistant à faire correspondre les profils des cadres et agents aux postes occupés à travers la mise en place des organigrammes adaptés aux exigences de la performance et des fiches de postes dynamiques seraient souhaitable.
De même, le renforcement du dispositif de contrôle interne de manière à limiter significativement les risques de gestion et les tentatives de corruption pourrait permettre d’optimiser le rendement de la mobilisation des recettes fiscales et non fiscales.
A cela, il faut ajouter un besoin manifeste de poursuite de l’informatisation de la chaine des déclarations et des paiements à travers les télés déclarations et les télépaiements.
Les recettes générées, notamment celles minières, doivent contribuer au développement de l’agro-industrie.
A suivre…
MGB